‘Il arrive régulièrement que des jeunes soient victimes de chantage en ligne avec des images totalement ‘inventées’.’
La vigilance et la connaissance des techniques d'escroquerie sont importantes pour votre sécurité en ligne. Il en va de même pour les enfants, mais la question est souvent beaucoup plus sensible. On pense généralement à l'exploitation sexuelle, mais le chantage sexuel (extorsion à l'aide d'images à caractère sexuel) à des fins financières est également en augmentation. Il n'existe pas de solution infaillible, mais en discuter avec vos enfants peut faire toute la différence.
Les enfants et leur smartphone
Y a-t-il un âge idéal pour avoir un smartphone ? Dans quelle mesure faut-il surveiller ce que font vos enfants en ligne ? Autant de questions auxquelles les parents d'aujourd'hui n'ont pas ou peu été confrontés dans leur propre enfance.
Aujourd'hui, le paysage est différent. Selon Apenstaartjaren, une étude de 2024 sur l'utilisation des médias par les enfants et les jeunes, ces derniers passent de plus en plus de temps en ligne et les menaces augmentent.
‘En ce qui concerne l'utilisation des écrans, les études montrent que les parents éprouvent souvent bien des difficultés à donner l'exemple.’
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L'étude Medianest de 2025 montre que les parents s'inquiètent d'abord du temps que leurs enfants passent devant les écrans, puis de l'influence de ces écrans sur leur santé physique, et enfin du contenu auquel leurs enfants sont exposés’, explique Sophie Dings, coordinatrice en matière de durabilité chez DNS Belgium. ‘Les préoccupations concernant les photos publiées en ligne ou les contacts de leurs enfants sont beaucoup moins importantes.’
‘En ce qui concerne l'utilisation des écrans, les études montrent que les parents éprouvent souvent bien des difficultés à donner l'exemple’, poursuit Sophie. ‘En tant que société, nous devons prendre conscience que cela vaut également pour les compétences en matière de cybersécurité. Tous les adultes ne sont pas aussi compétents dans ce domaine et n'ont donc pas de réponse toute faite lorsque les enfants leur posent des questions à ce sujet.
À quelles formes de cybercriminalité les jeunes sont-ils confrontés ?
Apenstaartjaren interroge les jeunes sur les situations qu'ils ont vécues au cours d'une année. Dans ce contexte, ‘vécu’ ne signifie pas nécessairement qu'ils en ont été victimes eux-mêmes.
- 38 % des jeunes ont déjà été confrontés au phishing ( hameçonnage ). Il s'agit de la forme de fraude en ligne la plus courante chez les jeunes.
- 1 jeune sur 4 a déjà été victime de tromperie visant à obtenir des informations confidentielles telles que des mots de passe et des noms d'utilisateur (pretexting). Cela se produit souvent via des jeux ou de faux concours.
- Le piratage (consistant à utiliser un compte à des fins malveillantes) complète le top 3 des menaces (17 %).
A cette liste, il faut encore ajouter les questions de confidentialité (par exemple, le partage inconscient de données via des applications) et les contenus frauduleux. La fraude via de fausses boutiques en ligne, le vol de données bancaires, la pression sociale, le harcèlement en ligne, l'extorsion et le chantage sexuel sont moins fréquents que ces phénomènes. Mais ils constituent un problème croissant.
La sextorsion augmente rapidement
Child Focus constate également une menace croissante. ‘La diffusion d'images de nudité sans consentement augmente de manière exponentielle’, explique Niels Van Paemel, conseiller politique chez Child Focus. ‘En 2019, nous avions recensé 98 cas, contre 227 l'année dernière.’ Les chiffres pour cette année ne sont pas encore complets, mais la tendance se poursuit en 2024.
La sextorsion est également en hausse. ‘En 2018, nous avions enregistré 46 dossiers. En 2020, ce chiffre est passé à 101. Nous pensions alors qu'il s'agissait d'une augmentation temporaire, due en partie à la crise du coronavirus, mais la tendance s’est confirmée et la courbe a encore augmenté en 2023 et 2024, avec respectivement 183 et 179 cas.’
Cette augmentation est liée à une autre tendance : l'âge de plus en plus précoce auquel les enfants reçoivent leur premier smartphone. ‘Il existe un lien entre les enfants qui sont plus connectés à un jeune âge et le fait d'être victime’, explique Van Paemel. À cela s'ajoute un manque de connaissances médiatiques à cet âge en matière de sexualité.
Âge moyen auquel les enfants reçoivent leur premier smartphone.
2018 : 12 ans
2020 : 9 ans
2022 : 8 ans et 4 mois
2024 : 8 ans et 1 mois
Source : étude Apenstaartjaren.
Depuis peu, les escrocs recourent également à l'intelligence artificielle (IA). Ils créent notamment de fausses images de leurs victimes. ‘On le constate de plus en plus souvent dans les dossiers liés au sexting, au grooming et à la sextorsion. Il arrive régulièrement que des jeunes soient victimes de chantage en ligne avec des images qui sont totalement inventées’, explique Van Paemel.
Sextorsion : sexuelle pour les filles, financière pour les garçons
Van Paemel fait la distinction entre deux types de sextorsion : financière ou sexuelle. Dans le second cas, les escrocs utilisent ces images pour forcer la victime à partager des images réelles. Dans le cas de l'extorsion financière, ils le font pour forcer la victime à payer. ‘Pour une victime, peu importe que l'image soit réelle ou falsifiée. Les autres y croient, donc cela leur porte préjudice.’
Alors que l’on part souvent du principe que les abus sexuels en ligne visent principalement les filles et les femmes, Van Paemel nuance en précisant que ce n'est pas le cas pour la sextorsion financière. ‘C'est la seule forme où 95 % des victimes sont des garçons. Ceux-ci sont souvent spécifiquement pris pour cible. En partie en raison du développement de leur cerveau à cet âge, les adolescents sont plus enclins à prendre des risques, ce dont les escrocs tirent parti. Associez cela au fait de lancer de nombreuses tentatives et le nombre de victimes augmente fortement. Les escrocs exploitent donc la naïveté des jeunes garçons.’
‘Dans les cas d'extorsion à des fins financières, 95 % des victimes sont des garçons. Dans les cas d'extorsion à des fins sexuelles, 75 % des victimes sont des filles.’
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Ici aussi, l'IA joue un rôle dans l'ampleur du problème. Auparavant, ce type d'extorsion se produisait lorsque l’escroc et les victimes parlaient la même langue. ‘On voyait alors des gangs marocains ou ivoiriens rechercher des victimes wallonnes ou bruxelloises, ou des criminels surinamais faire de même avec des victimes flamandes. L'IA a radicalement changé la donne. Aujourd'hui, un homme de 38 ans peut discuter en direct par vidéo avec quelqu'un et, avec les bons outils d'IA, il peut ressembler à une personne du même âge que la victime, la différence étant à peine perceptible. Les astuces, comme demander à quelqu'un de lever la main devant la webcam, ne permettent plus de les démasquer.’
Responsabilité partagée
Il n'est pas toujours facile d'aborder ce genre de situations. Van Paemel préconise toutefois de commencer dès l'école primaire. ‘Les voix conservatrices répondent souvent qu'il ne faut pas sexualiser les enfants à cet âge. Mais lorsqu'une photo nue d'une personne circule dans la classe, on doit pouvoir leur dire : ‘on ne fait pas ça’. Et il existe suffisamment de moyens d'aborder ce thème en classe sans le rendre effrayant.’
Dings : ‘En tant que parent, il est intéressant d'enseigner à vos enfants un certain nombre de règles de base ou de bonnes habitudes qui ne concernent pas nécessairement la sexualité ou le grooming. Aiguisez leur vigilance de manière générale : cela leur sera utile, même pour des sujets qui ne les concernent pas encore à ce moment-là.’
Tout surveiller ou tout bloquer n'est pas nécessairement la bonne solution. Van Paemel : ‘Les parents qui utilisent des contrôles parentaux s'intéressent souvent à ce que font leurs enfants. Mais il y en a aussi qui élèvent leur enfant à partir de six ans avec un iPad. Cette génération de parents connaît la technologie, mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils apprennent à leurs enfants à l'utiliser correctement.’
Le dialogue aussi est essentiel. Dings : ‘Une citation souvent utilisée en matière de cyberconscience est que lorsque votre enfant rentre de l'école ou d'une activité extrascolaire, vous lui demandez comment ça s'est passé. Mais si votre enfant disparaît dans sa chambre pendant quelques heures avec son iPad ou son GSM, vous n’avez généralement pas le réflexe de lui poser cette question.’
Van Paemel : ‘Dites à votre enfant qu'il vaut mieux ne pas discuter avec des personnes qu'il ne connaît pas. Ou qu'il peut discuter ou chatter dans un jeu vidéo, mais sans partager d'informations personnelles. Et si un enfant est allé trop loin, il doit savoir qu'il peut s'adresser à ses parents ou à l'école. En tant qu'enfant, savoir que l'on peut parler de ces choses est déjà un très bon point de départ.’
Vous pouvez imposer des règles, discuter de ce que vous partagez ou faites en ligne, ou de la manière de reconnaître une tentative d'escroquerie ou de chantage. Mais ces situations évoluent et il n'existe pas de réponse toute faite et exhaustive à la question de savoir comment assurer la sécurité de vos enfants en ligne. Ce que nous pouvons faire, c'est les rendre résilients, non seulement avec des règles ou des outils techniques, mais surtout avec des discussions ouvertes, en les écoutant et en leur disant qu'ils peuvent toujours s'adresser à leurs parents, leurs enseignants ou d'autres personnes de confiance.
La sécurité en ligne ne s'acquiert pas simplement en suivant un atelier ou en lisant cet article (désolé !). C'est un processus et une responsabilité partagée entre les parents, les éducateurs, les écoles, les décideurs politiques et les enfants. En les informant, en les soutenant et en restant vigilants, nous construisons ensemble un environnement où les enfants sont suffisamment résilients pour reconnaître les situations dangereuses, sans avoir peur d'en parler lorsque les choses tournent mal.
Pour renforcer leur sécurité en ligne, les jeunes peuvent agir de plusieurs manières : utiliser des mots de passe renforcés et une authentification bifactorielle, ne pas partager d'informations sensibles, utiliser un logiciel antivirus, signaler les messages suspects... Cependant, une proportion assez importante parmi les jeunes interrogés (16 %) indique ne recourir à aucune des mesures proposées.
L'étude d'Apenstaartjaren révèle également qu'environ la moitié des jeunes ne se soucient pas de leur propre sécurité en ligne. Un quart des jeunes s'inquiètent (plutôt) du partage d'informations personnelles, de l'impossibilité d'utiliser leur téléphone ou de la perte d'argent en ligne.
La menace croissante de la cybercriminalité, combinée à l’insouciance des jeunes eux-mêmes, montre clairement que la sécurité en ligne des enfants et des jeunes n'est pas uniquement du ressort des parents. Il s'agit d'une responsabilité partagée par l'ensemble de la société.
Que fait DNS Belgium pour la sécurité des jeunes ?
Assurer la sécurité de l'internet en Belgique est l'une des missions principales de DNS Belgium.
- Nous gérons efficacement l'infrastructure de l'internet et les noms de domaine.
- Nous assurons la sécurité de la zone .be en mettant continuellement en œuvre des mesures de sécurité innovantes.
- Nous luttons contre la pédophilie en ligne en collaborant avec l'Internet Watch Foundation (IWF) et Child Focus.
- Nous misons sur la sensibilisation et l'éducation à l'aide d'outils tels que l'Edubox Cybersecurity et l'Edubox Privacy, en collaboration avec la VRT et la RTBF. En Flandre, nous avons déjà touché 700 000 jeunes grâce à l'Edubox.
- Nous partageons notre expertise en matière de cyberconscience chez les enfants et les jeunes. Nous avons ainsi contribué à Friendzone, un kit pédagogique de Technopolis sur le sexting, la vie privée et la cybersécurité, et à Cyberkrak, un escape game sur la cybersécurité de Mediawijs.
- Nous soutenons les actions et les campagnes autour de la sécurité en ligne chez les jeunes, telles que Link in de Kabel et Wat Wat.
- Chaque année, nous concevons des puzzles pour les participants au Cybersecurity Challenge.
- Nous avons soutenu Apenstaartjaren financièrement et sur le fond en vérifiant les questions relatives à la sécurité en ligne. Pour l'année à venir, qui sera une édition anniversaire (20 ans d'Apenstaartjaren et 10e enquête), nous faisons partie du groupe de projet chargé de l'enquête et avons apporté notre contribution sur d'autres aspects du questionnaire.
- Récemment, nous avons réalisé avec la VRT la mini-série en ligne Red Flag, qui traite de thèmes d'actualité liés à la sécurité numérique.
- Nous avons également mené la campagne #safenotsorry sur Instagram et Tik Tok, dans le cadre de laquelle nous avons sensibilisé les jeunes à l'importance de la vérification en deux étapes par l'intermédiaire d'influenceurs.
Grâce à ces initiatives et collaborations, DNS Belgium contribue à un environnement en ligne plus sûr pour les jeunes et les aide à prendre conscience des risques et des moyens de se protéger.
Dans le prochain article, nous aborderons l'IA et le machine learning, la manière dont les cybercriminels les utilisent habilement pour escroquer les gens et comment nous pouvons nous en prémunir.
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